Premier article et déjà un leitmotiv s’installe… Je ne cesserai de le répéter, il est aisé de mettre tout et n’importe quoi (qui) derrière la fonction de médiateur ou le terme de médiation. Sans être un intégriste de la médiation telle que nous l’exerçons en conventionnel ou en judiciaire, force est de constater que ce processus, ses valeurs, les règles qui le régissent n’ont parfois pas grand chose à voir avec la « médiation médiatique » ou la « médiation prétexte » que nous rencontrons de plus en plus souvent.
Autant j’applaudis au succès de ce terme de médiation, repris partout et par tous, puisqu’après tout il nous incite à dialoguer plutôt qu’à nous opposer, autant je retiens ma claque (au sens clap-clap, pas paf-paf, je suis non-violent) lorsque il est galvaudé, employé à tort ou de façon imprécise.
Voici un exemple criant de la confusion que porte le mauvais usage du terme médiation avec « le cas » de M. Didier Leschi, respectable haut fonctionnaire de l’État et éminent directeur général de l’OFII, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.
Cet homme probablement de qualité, compétent et légitime sur le sujet au combien difficile de la situation des migrants de Calais, a été envoyé par le gouvernement en « mission de médiation ».
Et là je dis Aïe, Ouille, mais Calais t’il faire dans cette galère ?
Car, si j’en crois les médias et ses propres déclarations, nous n’avons pas là à faire véritablement à un médiateur mais plutôt à un négociateur ou un conciliateur. Voici pourquoi :
- Ce médiateur est « nommé » par le gouvernement, il est même dit que c’est « le médiateur du gouvernement ». Une des règles primordiales de la médiation est qu’elle est choisie librement par les parties. L’impression ici d’un émissaire du gouvernement est renforcée par cette mise en avant. Le médiateur porte ici la casquette d’une des parties, ce qui, sans mettre en doute sa probité, pose la question de son indépendance.
- Car, deuxième écart vis à vis du processus de médiation, les parties en présence sont d’un coté les grévistes de la fin et les associations qui les soutiennent et de l’autre l’administration et donc l’état. Quid de la neutralité du médiateur ? Comment garantir son impartialité auprès des publics concernés ?
- Dernier point, M. Leschi affirmait récemment : « …dans le cadre de la médiation, je propose qu’un hébergement soit systématiquement offert aux personnes…« . Un médiateur qui vient avec des propositions… Ou est le processus de médiation ?
Résultat de cette erreur non pas de casting mais de distribution des rôles, nous avons pu lire qu’à plusieurs reprises ce « médiateur » était remis en cause par ses interlocuteurs à Calais. Lors d’une de ses dernières visites, après une réunion qualifiée de « houleuse » avec les associations, France Bleu Calais rapporte ceci, je cite, « une trentaine de manifestants l’a suivi dans la rue, et a bloqué sa voiture en l’interpellant, aux cris de ‘la honte !’. Ils lui reprochent de n’apporter aucune solution. » (https://www.francebleu.fr/infos/societe/visite-sous-tension-du-mediateur-du-gouvernement-a-calais-pour-rencontrer-les-grevistes-de-la-faim-1635864840).
Nous voici dans une situation étrange qui nécessiterait bien évidemment une médiation mais qui se trouve bloquée parce que l’une des parties est présentée comme médiateur… En effet, M. Leschi, mandaté par le gouvernement, avec ses propositions et sa posture de négociateur a un rôle important à jouer… en tant que médié ! Un médiateur indépendant, neutre et impartial aurait certainement une belle carte à jouer pour rétablir le dialogue entre l’état et les défenseurs des migrants.
Ce premier billet d’humeur n’est certainement pas le dernier tant l’utilisation des termes médiation et médiateur est sujet à interprétation. La solution pour « notre médiation » viendra probablement d’une professionnalisation des fonctions que nous exerçons (nous avons des règles, des lois encadrent nos pratiques mais nous n’avons pas de véritable statut officiel). Elle devra probablement être complétée par l’adjonction d’un adjectif qui permettra de la distinguer… à vos propositions !
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