Le titre de cet article du Dalloz « Pour une citation à comparaître à un mode amiable » (à découvrir ici) m’a fait réagir au point ou j’ai pris mon dictionnaire pour essayer de qualifier, de classer cette phrase au parfum Escherien…
Remettons nous d’abord dans le contexte, qui est ici judiciaire (cet article rend compte des réflexions du groupe de travail « Justice civile » des États généraux de la Justice); or, dans ce cadre, l’expression « citation à comparaitre » est habituellement utilisée lorsque la justice « somme » une personne de se présenter devant un tribunal. A l’opposé, « mode amiable » fait ici référence aux M.A.R.D. ou MARC dont la médiation fait partie. Même si je ne suis pas un grand spécialiste de la justice, j’ai donc ressenti un frémissement entre amusement et étonnement en lisant ce titre. Alors antithèse, oxymore ou paradoxe ?
- Antithèse : consiste à rapprocher deux concepts, deux expressions, deux pensées opposées pour en faire ressortir le contraste. Ici pas de contraste à mettre en avant (« à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »).
- Oxymore : c’est une figure de style qui consiste à allier deux mots de sens contradictoire. Même si nous sommes là dans un relatif clair-obscur, cette phrase ne peut-être qualifiée d’oxymore.
- Paradoxe : il y a plusieurs acceptions, dont « association de deux idées contradictoires » et « chose ou fait qui paraissent défier la logique ». Là je crois que nous tenons quelque chose.
Donc, à mon point de vue, cette phrase c’est un paradoxe, et, comme tout paradoxe, la vision que l’on en a change en fonction… du point de vue.
Loin de moi l’idée d’attaquer les travaux (et l’article très complet) de ce groupe de réflexion, je n’en ai ni l’aptitude, ni la volonté. Mais force est de constater que réfléchir à mettre en place une procédure portée par la justice pour enjoindre un ou des tiers à recourir à un mode amiable de règlement des différends, si ce n’est pas la quadrature du cercle, cela y ressemble.
Car, si j’ai bien tout compris, afin de s’assurer que cette gestion du litige reste extra-judiciaire, cette citation devrait être lancée non pas par un juge mais par un « demandeur » (l’une des parties je présume) tout en étant encadrée procéduralement.
Mettons nous deux minutes à la place de celle ou celui qui recevrait cette citation à comparaitre… Comment lui expliquer (qui va le faire ?) qu’on le contraint mais sans l’obliger à venir, je cite, « à la table des négociations » ? Comment lui faire comprendre que c’est avant tout pour son bien (et recourir à la médiation est en effet beaucoup plus gratifiant que d’aller en justice) et que « l’essayer s’est l’adopter » ?
Vu de mon poste de médiateur, je trouve cela compliqué, la base de la médiation étant l’adhésion pleine et entière au processus par une démarche libre et volontaire…
Lorsque c’est le juge qui « enjoint » les parties à s’informer les parties sur la médiation, les choses me semblent plus claires, chacun restant dans son rôle.
Pour moi la question posée « comment renforcer la résolution extrajudiciaire des différends » est excellente. Mais la réponse me semble totalement décalée, je reste persuadé que le recours aux modes amiables est essentiellement une question de culture et d’éducation (la première s’installant avec la seconde) et que ce n’est pas « aux portes du tribunal » qu’il faut mener cette démarche d’information mais bien en amont (l’école, l’entreprise, les collectivités locales, les conseils juridiques…).
Je rends grâce en fait à ce groupe de réflexion de mettre en évidence les lacunes de notre société sur ce point.
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